Potosi et ses mines d’argent

Potosi et ses mines d’argent

À Sucre, nous visitons plusieurs musées : le musée d’art contemporain, le musée anthropologique et le musée de la liberté et de l’indépendance. La ville en elle-même est très jolie. La plupart des bâtiments sont de style colonial et d’un blanc immaculé. Nous sentons très vite que cette ville est « riche ». Les différents guides nous apprennent d’ailleurs que les indigènes sont repoussés vers la périphérie…

Nous ne nous attardons pas trop et partons en direction de Potosi, la plus haute ville du monde en tenant compte de sa population, au sud de la Bolivie. Au XVIIème siècle, cette ville était également l’une des plus riches du monde. Et pour cause : les montagnes avoisinantes renfermaient alors des tonnes de minerais : argent, or, cuivre, zinc, etc. Aujourd’hui, les mines fonctionnent toujours mais elles devraient fermer leurs portes d’ici 2 à 5 ans ; les sociétés occidentales ont bien (trop) profité de ses ressources naturelles… Désormais, Potosi est une ville très pauvre. La majorité des habitants vivent encore des mines, mais les mineurs sont loin de toucher la plus grosse part du gâteau.

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Le premier jour, nous allons découvrir une lagune dont l’eau est à plus de 30 degrés. L’endroit n’est pas incroyable, la lagune ressemble à un petit lac cerclé de petites bâtisses. Néanmoins, il est vrai que l’eau est bien chaude ! Nous y plongeons sans aucune difficulté, c’est vraiment agréable. Cette lagune est en fait un cratère volcanique de plus de 22 mètres de profondeur! Ce qui est difficile, c’est d’en sortir ! À une telle altitude, il ne fait pas très chaud, surtout que le vent s’est bien levé.

Le lendemain matin, nous partons visiter les fameuses mines du Cerro Rico, montagne qui domine la ville. Nous faisons un premier arrêt au « marché des mineurs ». La tradition veut que les visiteurs achètent des boissons (eau, jus de fruits, alcool), des feuilles de coca ou encore des explosifs pour les mineurs. En effet, ces derniers sont tous indépendants et le matériel coûte cher.

Lors de ce stop, notre guide nous explique comment fonctionnent les explosifs. Il y a les traditionnels bâtonnets de TNT, auxquels sont ajoutés un mélange de nitrate d’ammonium et de diesel pour rendre l’explosion plus puissante. Nous découvrons aussi la boisson des mineurs lors du premier et dernier vendredi du mois: de l’alcool à 96°c! On a goûté…et on peut vous dire que ça réchauffe! Bien sûr, il s’agit là aussi d’un rituel en hommage à Pachamama. En début de mois, c’est pour demander à la Terre Mère d’avoir de bons résultats ; en fin de mois, c’est pour la remercier.

Après avoir effectué quelques achats pour les mineurs, nous allons visiter une usine de traitement des minerais. Bien que cette usine semble dater du siècle dernier, elle a été installée il y a seulement 8 ans! Avant ça, l’eau utilisée pour récupérer les minerais n’était pas traitée: bonjour métaux lourds qui infestent toutes les rivières et terres aux alentours! Cela dit, nous ne rêvons pas : même si le guide insiste pour dire que toutes les eaux sont recyclées dans de grands bassins cubiques, il ne désapprouve pas lorsque nous mentionnons les nombreuses mines illégales non loin. En outre, cette usine de traitement est loin d’être impeccable, et nous n’avons pas l’opportunité d’aller visiter les autres…

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Par ailleurs, nous apprenons que toutes ces usines sont privées, et que l’État ne les contrôle absolument pas! Évidemment, ces entreprises font des bénéfices monstres sur le dos des mineurs boliviens, puisque l’once d’argent est revendue à plus de 15 dollars!

Comme nous l’avions déjà lu, il n’est pas évident de connaître le salaire type d’un mineur. Déjà, comme ils sont indépendants, ils sont tout à fait libres dans leurs temps et jours de travail. Néanmoins, lorsqu’ils descendent dans la mine, ils y restent bien souvent plus de 10h, sachant qu’ils ne peuvent pas y manger. Tout dépend aussi du nombre de personnes formant l’équipe, mais aussi du type de minerai trouvé, et de la qualité de la veine (car les minerais se regroupent en « veine » dans la roche). Notre guide estime le salaire à peine plus élevé que le salaire minimum, qui est de 1400 bolivianos, plus ou moins 170 euros. Néanmoins, après avoir parlé à d’autres boliviens, il semblerait que certains gagnent bien plus, jusqu’à 5000 bolivianos par personne. Quoi qu’il en soit, c’est un maigre butin lorsque l’on considère l’espérance de vie. Un mineur va rarement au-delà des 50 ans… Tous souffrent de silicose, à cause des poussières de silice inhalées sans cesse sous terre.

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Enfin, nous entamons la visite au sein des mines. Après avoir enfilé un équipement digne de ce nom, de la tête aux pieds, nous nous enfonçons dans la pénombre. Très vite, les plus grands de notre groupe sont obligés de se courber pour avancer. Marion n’a pas ce problème, elle semble avoir la taille parfaite pour les mines boliviennes ! Une dizaine de minutes de marche plus tard, nous faisons une petite pause devant un autel. Les mineurs ont pour coutume de déposer des offrandes (cigarette, collier, coca…) au « tio », pour que ce dernier les protège. « Tio » est la représentation du diable. Ce nom a été donné par les espagnols, par opposition au dieu de la religion catholique. C’est aussi un « diable » car c’est le dieu présent sous la terre… Cela n’empêche pas les mineurs d’aduler ce « Tio », seul à être apte à les comprendre et à les protéger contre les accidents. Le guide nous incite à déposer cigarette et coca pour nous assurer sa protection.

Après ça, nous nous enfonçons toujours plus dans les entrailles de la montagne; c’est impressionnant! C’est un véritable labyrinthe tel un gruyère sans fin. Il y a plus de 500kms de galeries dans le Cerro Rico et dès que l’on lève la tête, nous observons encore d’autres trous. Nous partons ensuite jusqu’à un plus grand autel, où notre guide dépose à nouveau quelques feuilles de coca, pour le « Tio » et la Pachamama. Il se dégage une odeur de roche assez désagréable qui pique le nez assez violemment. Nous croisons des mineurs en plein travail et nous en profitons pour leur offrir quelques bâtons de dynamite, bouteilles d’eau, coca, etc. Impossible de leur demander leur salaire de but en blanc, nous sommes trop accompagnés pour nouer une réelle conversation… Après avoir rempli leurs chariots de pierres, ces derniers font plus de deux tonnes. Ensuite, les mineurs les poussent sur de vulgaires rails à travers les galeries jusqu’à la sortie. Parfois, le chariot sort des rails et ils se mettent alors à 3 pour le remettre en place. Il va sans dire que c’est un travail vraiment impitoyable… Un peu plus loin, nous nous arrêtons de nouveau, devant une échelle qui semble descendre indéfiniment dans la roche. Notre guide propose à ceux qui souhaitent de l’accompagner pour aller à la rencontre de ce mineur six pieds sous terre. Charlène, plus téméraire que Marion, y va avec deux autres garçons. Pour réussir à atteindre l’endroit escompté, il ne faut vraiment pas être claustrophobe, et il est préférable de savoir grimper et ramper.. ! L’espace est parfois très minime, les mouvements doivent être petits et précis sans quoi il est impossible d’avancer ! Il vaut mieux être mince aussi… Il est alors facile d’imaginer de quelle manière on reste facilement coincés, ou bien tués lors d’un éboulement.

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Ils remontent quelques minutes plus tard, tout poussiéreux (c’est peu dire, vive la combinaison). C’est vraiment du sport, surtout avec le peu d’oxygène dans l’air. Nous avons du mal à imaginer les mineurs travaillant 10h par jour dans ces conditions… Pourtant, il parait que c’est un travail assez prisé car lucratif. Sauf pour la santé…

Deux heures plus tard, nous sommes tout heureux de retrouver la lumière du jour, même s’il faut quelques minutes pour se réhabituer à une luminosité normale. Nous hésitions à effectuer cette visite, estimée par beaucoup (et ça se peut se comprendre) à du voyeurisme. Néanmoins, rien de tel pour réaliser les conditions de travail et l’univers minier. Étant donné que nous travaillerons sur les initiatives réalisées contre la pollution minière en Argentine, cela permet de nous mettre un peu dans le bain !

4 Responses to Potosi et ses mines d’argent

  1. fabienne says:

    eh bien, je pense que la visite n’est pas pour moi, trop claustrophobe ! c’est vraiment de l’exploitation humaine ! et la prévention santé est inexistante.
    Ce serait bien dans votre article de préciser à quelle altitude est la plus haute ville du monde !

  2. Camille says:

    « Marion n’a pas ce problème, elle semble avoir la taille parfaite pour les mines boliviennes !  » 😀
    Tu sais dans quoi te reconvertir…
    Sinon très intéressant de « vivre » la mine de l’intérieur

  3. Gérard says:

    Merci pour ce voyage dans l’enfer. Pourriez-vous me rapporter quelques bâtons de dynamite? 🙂

  4. Hannah says:

    Palpitant !!
    Mais j’aurais trop manqué d’oxygène !
    Merci pour vos récits, j’apprends plein de choses.
    Des bisous.

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